Dossier Santé mentale

Humain Avant Tout a été fondé durant l’été 2018 par Lysa-Marie Hontoy, doctorante en psychologie à l’Université de Montréal. C’est à travers cet organisme que la jeune femme comble son besoin de faire avancer la cause de la santé mentale au Québec.

Les difficultés psychologiques touchent un grand nombre de personnes qui souffrent en silence par crainte d’être jugées ou rejetées. L’objectif d’Humain Avant Tout est de réduire les tabous entourant la santé mentale, et inciter les gens à demander de l’aide.

Chaque semaine, l’équipe diffuse sur sa page Facebook des témoignages de personnes qui vivent ou qui ont déjà vécu des troubles psychologiques (diagnostiqués ou pas) ou des épreuves de vie difficiles (accident, maladie, peine d’amour, deuil).  L’intention derrière ces publications est de briser l’isolement et redonner espoir.

Des hallucinations troublantes

Auteur : Sonia

J’ai reçu un diagnostic de schizophrénie à 18 ans. Dès l’âge de cinq ans, j’avais des phobies très intenses. J’avais peur que les objets bougent ou qu’ils m’attaquent. C’est aussi à cet âge-là que j’ai eu mes premières pensées suicidaires. Au secondaire, j’avais des hallucinations visuelles et auditives, comme voir des gens mourir ou se faire frapper par une voiture. J’essayais de le cacher parce que j’avais peur de me faire enfermer, c’est ce qu’on voyait dans les films. La solitude face à ce que je vivais, c’était vraiment ça, le plus difficile.

Ma médecin de famille m’a fait commencer à prendre des antidépresseurs. Ça ne fonctionnait pas bien pour moi et elle ne faisait qu’augmenter ma dose. Je ne me sentais pas écoutée. J’ai fait une tentative de suicide pendant cette période-là. À 18 ans, j’ai décidé d’arrêter la médication. J’ai vécu toutes sortes de nouveaux stress et j’ai recommencé à faire plus de crises. Je faisais des psychoses paranoïaques, où je m’imaginais que tout le monde était contre moi, puis des psychoses catatoniques, c’est-à-dire que je perdais le contrôle de mon corps.

Je me suis un jour retrouvée à l’hôpital, en crise. On m’a renvoyée chez moi en me disant que j’étais sur une liste d’attente. Ça a pris des mois avant qu’on ne me rappelle. Puis, j’ai finalement trouvé un nouveau médecin de famille, un miracle qui s’est présenté sur ma route. C’est la personne qui m’écoute et avec qui ça marche. On y est allé graduellement avec la médication et j’ai éliminé des choses qui me stressaient dans ma vie.

Quand ç’a commencé à mieux aller, je me suis mise à avoir plus de projets. J’ai pu entrer à l’université en philosophie. J’ai écrit une dissertation sur cette façon de voir les personnes psychiatrisées comme étant des personnes irrationnelles. Aujourd’hui, je suis en train de rédiger un mémoire de maîtrise sur les injustices en psychiatrie. J’aimerais en faire une conférence accessible au grand public et aux professionnels de la santé. Ça fait 10 ans que ma vie est plus stable. Le jour de mes 30 ans, je me suis regardée dans le miroir en me disant que je n’aurais jamais pensé me rendre là…

Ma bipolarité, une job à temps plein!

Auteur : Frédéric

Il y a cinq ans, j’ai reçu un diagnostic de bipolarité. Les affaires roulaient bien au travail…J’étais conseiller pédagogique, formateur, conférencier et j’avais une charge de cours à l’université. Mais du jour au lendemain, ça a complètement dérapé. J’ai été hospitalisé pour la première fois à ce moment-là.

Pendant la première année suivant l’hospitalisation, j’ai été en arrêt de travail parce que je vivais une dépression majeure. Je ne voyais pas le bout…je pensais vraiment que c’était fini pour moi. J’ai fait une tentative de retour au travail après deux ans d’arrêt, mais j’ai rapidement dû m’absenter à nouveau. Récemment, j’ai été invalidé par les assurances parce que mes fluctuations d’humeur sont trop rapides et trop violentes. Ça a été un deuil difficile à vivre parce que je m’identifiais beaucoup à mon travail.

À la suite de mon diagnostic, j’ai aussi vécu beaucoup d’anxiété sociale. Pendant plusieurs années, je me suis isolé parce que je ne savais pas comment expliquer mon état aux autres… j’avais honte. J’ai toujours projeté une certaine image de force et de confiance, mais, me sentir à ce point vulnérable, c’était difficile à porter.

Depuis quelque temps, je me permets de parler plus ouvertement de ma maladie et je réalise que ça fait du bien, de passer par-dessus ce tabou qui est tellement pesant. Malgré tout ce que je fais pour garder mon humeur stable – et c’est une job à temps plein –, les idées suicidaires reviennent fréquemment; mais maintenant, je suis capable de me répéter que ça va passer.

J’ai la chance d’être suivi toutes les deux semaines par un psychiatre extraordinaire qui fait preuve de compassion. Ma blonde assiste à toutes les rencontres, elle est là pour moi depuis le début. Mes trois enfants ont aussi été d’une patience et d’une maturité inouïes à travers les années. C’est vraiment ça qui m’a sauvé… ma blonde, mes enfants et mon réseau social.

L’année prochaine, je commence un doctorat en éducation, dans l’espoir de me reconstruire. Selon mon psychiatre, ça fait partie de mon plan de traitement. J’ai aussi envie de contribuer positivement à la société en donnant des conférences sur la santé mentale. Je ne veux plus rester isolé et je n’ai plus envie de me cacher…j’ai le désir d’aider les autres en leur partageant avec eux mon histoire.

Survivre à un viol

Auteur : Corinne

Quand j’avais 25 ans, pendant que je dormais, quelqu’un est entré chez moi par effraction et m’a agressée sexuellement… Quand ça m’est arrivé, je me suis dit qu’à part la mort, y’avait pas grand-chose de pire. Après l’agression, ça a été une pente descendante. J’ai perdu du poids, j’ai arrêté de manger, de dormir et de travailler … J’étais mal tout le temps. J’ai consommé excessivement parce que je croyais que ça allait m’aider à arrêter d’avoir peur. Toute ma vie était basée autour de ça : la peur d’avoir peur. Ça a déconstruit ma vie et je suis devenue complètement dépendante des autres. Mais, petit à petit, j’ai commencé à remonter la pente et à me faire confiance à nouveau.

Ça fait 15 ans que je suis en thérapie, et j’ai arrêté de consommer il y a bien longtemps. La maternité m’a permis de m’accrocher à la vie et de retrouver une certaine paix intérieure. Mon fils a 6 ans, c’est mon soleil. Il me comble de joie et me ramène à l’essentiel, malgré la solitude d’être une mère monoparentale. La course m’a aussi vraiment aidée et m’aide encore aujourd’hui. Ça me permet de libérer toutes les émotions qui sont bloquées en moi.

Mais, j’ai réalisé cette année que j’avais beau courir trois fois par semaine et faire toutes les thérapies du monde…je ne serai pas capable de tout guérir. Il y a des choses qui restent quand tu subis un choc post-traumatique. Je me sens toujours en état d’hypervigilance et je fais aussi beaucoup d’insomnie. Ça a été vraiment difficile parce que l’agresseur est encore en liberté… ils ne l’ont jamais retrouvé.

Mais, à un moment donné, j’ai arrêté de résister et de vouloir tout régler. J’ai accepté que j’allais être une personne anxieuse toute ma vie. Ça ne m’empêche pas de dire que je me sens heureuse aujourd’hui et que j’ai le sentiment de m’en être sortie. Je suis rendue à un point où je ne suis plus du tout dans la honte, mais plutôt dans l’acceptation et le pardon. Je ne me sens plus comme une victime et je suis fière de la femme que je suis devenue. À mes yeux, c’est mon plus bel accomplissement. Je souhaite que mon témoignage aide d’autres femmes à se libérer de la honte qu’elles peuvent ressentir et à parler de ce qu’elles ont vécu..

Des compulsions pour exorciser l’anxiété

Auteur : Myriam

J’ai toujours été une personne anxieuse…j’ai vu beaucoup de psychologues et de travailleurs sociaux dès le primaire. Mon anxiété était très reliée à la performance et, au secondaire, j’ai juste explosé. Je faisais du cirque, du violon, du bénévolat, j’allais à l’école…c’était trop intense. J’avais aussi beaucoup de compulsions…ça pouvait me prendre une heure avant d’aller me coucher parce qu’il fallait que je touche à plusieurs objets dans la maison. Je faisais ça parce que ça me donnait l’impression d’être protégée contre quelque chose de grave qui aurait pu m’arriver.

J’ai commencé à me mutiler vers 15 ans et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à prendre des antidépresseurs et à aller un peu mieux. Mais quand je suis arrivée à l’université, j’ai réalisé que j’avais juste mis un band-aid sur le bobo et que je ne l’avais pas guéri. À travers les années, j’ai développé des troubles alimentaires…c’était et c’est encore aujourd’hui un symptôme de mon anxiété. Être grosse et avoir un trouble alimentaire, c’est comme impossible dans la tête des gens…c’est souvent très associé à la minceur, qu’on valorise d’ailleurs beaucoup dans la société.

Moi je fais des crises d’hyperphagie quand je sens des bouffés intenses d’anxiété. Je peux manger n’importe quoi en grandes quantités et ça m’apaise, sur le coup. Ça peut être dur à comprendre, mais c’est comme un vide que j’essaie de remplir. Quand ça m’arrive, je me sens super coupable et vraiment honteuse. Avant, je me faisais beaucoup vomir après les épisodes d’hyperphagie, mais maintenant c’est plus rare. Je trouve que l’hyperphagie c’est encore vraiment tabou… les gens peuvent percevoir ça comme de la gourmandise ou quelque chose de stupide à faire, mais c’est plus fort que moi. Des fois, mon corps me dit « go, mange tout ce que tu trouves » et je le fais.

Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de ressources pour m’aider… J’ai quand même été échaudée par le système de santé…même si j’avais des idées suicidaires, on m’a dit qu’il y avait huit mois d’attente. J’ai eu la chance d’avoir un bon médecin de famille qui m’a bien accompagnée pendant cette période-là. Et j’ai finalement vu une psychologue au privé qui a changé ma vie. Elle m’a aidée à comprendre ce que je vivais et tranquillement, je me suis reconstruite.

Des highs et des downs trop intenses

Auteur : Mikaël

Autour de l’âge de 16 ans, j’ai commencé à avoir des moments plus sombres qui alternaient avec des moments où je me sentais pas mal plus enjoué. Je ne me posais pas de questions, j’y allais avec le flow. Mais plus ça allait, plus les highs et les down devenaient intenses. Après 12 ans à rouler comme ça, je me suis ramassé en crise à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et c’est là que j’ai eu un diagnostic de trouble bipolaire de type 1.

Pendant mes highs, j’étais « surconfiant » … j’étais le King. Je me souviens, des fois je me regardais dans le miroir en me disant à quel point j’étais hot…avec le recul, je trouve ça ben drôle (rires). Je parlais avec tout le monde, j’avais 56 000 projets, rien ne m’arrêtait. Quand j’étais vraiment dans mon peak, je perdais la voix parce que je parlais trop vite et trop fort. Mais quand je redescendais, je redescendais en tabarnane. Pendant mes phases dépressives, je me retirais complètement de la map. Je remettais tout en question parce que je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. J’avais pu le goût d’interagir avec le monde parce que j’en avais peur. J’étais vraiment confus, mes idées n’étaient pas claires et je n’avais plus de repères…j’ai déjà pensé au suicide.

Une chance que mes parents et ma sœur ont été présents et ont cru en moi. L’entourage est tellement important. Si j’avais été dans un autre milieu, je serais peut-être itinérant, aujourd’hui.  Depuis que j’ai été diagnostiqué et que je prends du lithium, j’ai l’impression de vivre ma vie pleinement. Les médicaments m’aident à réguler mon humeur et ça me permet aussi de prendre soin de mes relations…pis ça, c’est vraiment important pour moi. Depuis maintenant un an, je partage ma vie avec ma copine Catherine. Sans cette stabilité, je n’aurais pas pu envisager une relation saine et remplie d’amour. J’aurais envie de dire aux autres de pas avoir peur de demander de l’aide. On est tous humains, on peut tous s’entraider.

Photos prises sur le site internet Humain Avant Tout.

Survivre est soutenu par le Fonds d’urgence pour l’appui communautaire, du gouvernement du Canada et par la Fondation du Grand Montréal. 

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Ressources sur le suicide

  • Québec: 1-866-APPELLE (277-3553). Les CLSC peuvent aussi vous aider.
  • Canada: Service de prévention du suicide du Canada 833-456-4566
  • France Infosuicide 01 45 39 40 00 SOS Suicide: 0 825 120 364 SOS Amitié: 0 820 066 056
  • BelgiqueCentre de prévention du suicide 0800 32 123.
  • Suisse: Stop Suicide
  • Portugal: (+351) 225 50 60 70

Guide d’intervention de crise auprès de personnes suicidaires

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Le guide d’intervention auprès de personnes suicidaires démystifie le suicide. Il permet d’aider les proches à reconnaître les signes avant-coureur du suicide et de déterminer qu’est-ce qui peut être fait pour soutenir la personne en crise.

Une section du guide est réservée aux endeuillés par suicide.

Le livre est disponible au coût de 9,95$. Par téléphone: (514) 256-9000, en région: 1-877-256-9009. Par Internet.

Par la poste: Reflet de Société 4260 Ste-Catherine Est Montréal, Qc. H1V 1X6.

Maintenant disponible en anglais: Quebec Suicide Prevention Handbook.

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